À quoi sommes-nous toujours occupés ?

Contre-jour (15)


Dieu, mon petit bonhomme,
c’est aussi simple que le soleil.
Le soleil ne nous demande pas de l’adorer.
Il nous demande seulement
de ne pas lui faire obstacle et
de le laisser passer, laisser faire.

Christian Bobin
(Tout le monde est occupé)


« Je n’ai pas le temps ! » « Peut-être une autre fois, car je suis pressé ! » et tant d’autres…
Que de fois nous les disons mais que de fois on se les fait dire aussi. Les mots sortent comme un bouton de rembobinage d’un enregistrement, ce message qui se répète inlassable, monocorde, parfois monotone, digne d’une boite vocale qui répète sans faillir le même message d’absence. On ne regarde même plus la personne, souvent un geste de la main suffit pour élargir notre bulle déjà bien volumineuse.
La course sur les escaliers roulants, même si le métro quitte la station d’arrêt, la bousculade vers une porte d’entrée bien que la capacité maximale est atteinte : trois ou quatre personnes à la fois pas plus, l’impatience frisant la névrose devant la caisse alors que son tour est le suivant, on soulève les sourcils parce que la personne devant nous compte par deux fois sa monnaie, la marche rapide sur un trottoir qui est public et non réservé, bref … Nous sommes tous occupés, parfois trop occupés. Sauver du temps quel syllogisme ! Tout le monde veut « sauver » du temps, mais si on ne vous l’avait pas dit : ce temps est le même pour tous !
Appeler une connaissance pour planifier un rendez-vous est chose bien normale, mais appeler quelqu’un pour une visite, lorsque l’on se fait dire « Un seconde je dois consulter mon agenda! » et bien cela est – du moins pour moi – un peu inquiétant. Pourrions-nous imaginer deux personnes amoureuses qui se doivent de consulter leur agenda respectif pour se rencontrer ? Quoique l’on observe plus fréquemment ces mêmes amoureux, assis face à face au restaurant, chacun le visage dans son écran en train de clavarder avec je ne sais qui !
Nous sommes tellement occupés qu’il nous faut planifier presque tout, sauf ce qui nous permettrait de sourire un peu plus.
Et s’il vous arrivait de vous faire aborder par quelqu’un dans la rue, quelle serait votre réaction ?
– Qui est cet inconnu ?
– Que me veut-il ?
Premier réflexe :
– Je n’ai pas de monnaie, je ne fume pas, non je n’ai pas du feu..!
Ce sont nos réponses d’autodéfense sociale, parce que n’avons plus le temps de penser à autre chose que cela ! J’ai vu certaines personnes porter leur main à l’endroit de leur porte-monnaie, un signe que je ne suis pas arrivé à comprendre puisque de toute manière on dira que l’on n’a pas de monnaie !
Et si la personne voulait demander un renseignement au sujet d’une direction, d’une place ?
Je croyais que certaines réponses racontées sur les forums publics relevaient de blagues inventées, et puis non, je me suis fait répondre dans une ville que je visitais, voulant savoir si j’étais au bon endroit : « Je ne suis pas un agent de tourisme, demandez au policier ! » Bonjour l’accueil et l’hospitalité ! Et puis non ce n’était pas une fausse blague, mais une drôle d’histoire.
Nous nous étalons bien loin sur les conseils, trucs et astuces à prodiguer aux autres, mais quand il est question de sortir de nos zones de confort c’est toute une autre chose. On nous dit souvent « Apprendre à sortir de sa zone de confort, si on veut avancer dans sa carrière, et autres »
Mais s’arrêter 3 secondes et quart pour écouter vraiment quelqu’un dans la rue nous n’avons pas le temps. Et pourtant cela en est un exemple de sortie de sa zone de confort.
Autre phénomène amusant (en apparence) et bien triste (en réalité) c’est le mouvement quasi automatique des revues et journaux qui se lèvent devant les visages des personnes assises dans le bus ou le métro si une personne ayant besoin de s’assoir fait son apparition, les mal-pris (ceux qui n’ont pas de journaux) lèvent leurs yeux ou les baissent dans un accès subit et soudain d’une méditation contemplative digne des plus grands ascètes de la planète. On dirait qu’ils vont réussir une lévitation sur place. Ah la la !
Nous n’avons ni le temps ni l’envie d’en avoir un peu ! Il y a quelques temps je vous proposais dans un articles de consacrer quelques minutes par jour pour une contribution dans nos collectivités respectives, j’aimerai croire que quelques secondes seraient une solution moins ardue pour se préoccuper de nos semblables !
À la prochaine
Michel J.B. – © 2016

Auteur : Michel J. Boustani

Auteur 25 ans d'expérience dans le domaine de la communication et de l'enseignement. Conception pédagogique - Gestion stratégique du savoir - Facilitateur d'atelier en pensée design et grand amateur de mises en récit et blogues. _____

2 réflexions sur « À quoi sommes-nous toujours occupés ? »

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